Les conflits armés faisaient rage dans la cité. Médée, ne pouvant encore prêter main forte aux combats qui se préparait, cherchait une façon de se rendre utile. Ayant remarquée un petit local poussiéreux elle entrepris de le débarrasser du fatras qu’il contenait. Après quelques jours à respirer de la poussière et des effluves de crasse (le précédent locataire ne semblait pas très pointilleux sur la propreté), elle constata d’un œil enjoué que le résultat était satisfaisant.
Il manquait toutefois un nom à l’édifice. Ne voulant être la seule a prendre une telle décision, elle placarda à la porte d’entrée une petite affiche.
On pouvait y lire.
« Si le Guerrier a besoin du sang de ses victimes et de la crainte de ses ennemis pour exister et croître, l’étude vient donner des armes bien plus puissantes que celles sorties de la forge.
Aussi, Nobles Chevaliers, Médée, la jeune recrue, vient modestement vous proposer de vous divertir. Elle vous propose (à l’essai) son petit café philosophique et littéraire.
Ne sachant pas encore comment baptiser ce lieu, elle laisse à votre bon plaisir le choix du nom. Elle propose « La Librairie au Coin du Feu » ou « Librairie de la Ghilde », toute autre suggestion sera la bien venue. »
Ceci accomplie, elle pris un tonneau vidé ( par ses soins !) et dit :
« Il s’agit d’un roman policier écrit par Robert Van Gulik qui s’intitule « l’Enigme du clou chinois ». L’intrigue se déroule durant le premier siècle de notre ère, en Chine. Gulik est un spécialiste de la Chine et il s’inspire de faits divers réels pour écrire ses romans.
Son personnage récurent, le Juge Ti, doit élucider un certain nombre de meurtres mystérieux.L'action se déroule à Pei-tcheou, ville située au nord de l'empire, proche de la frontière tartare. Douze ans après avoir pris son premier poste, le juge se trouve confronté à trois affaires partiellement imbriquées. Le style est simple et agréable à lire, l’ambiance de l’époque est bien restituée ( du moins l’idée que l’on s’en fait). Le livre est court (Hélas !! mais il en a écrit une vingtaine Ouf !!). Il est intéressant pour se faire une idée du fonctionnement juridique de l’époque et surtout de la condition de la femme. Par ce trait il reste (malheureusement) d’actualité.
En voici un extrait :
P262( vers la fin du livre, je ne divulgue rien, pour les curieux !!)
Kouo s’agenouilla devant le magistrat et toucha trois fois le sol de son front, puis, s’étant relevé, il dit simplement :
- Merci. Votre Excellence est un homme grand et bon.
Cette phrase fit au juge Ti l’effet d’un coup de cravache en plein visage ; et, pendant que le bossu quittait la pièce, il gagna son bureau d’un pas mal assuré et se laissa tomber lourdement dans son fauteuil. […]
Il resta ainsi prostré un long moment, puis brusquement une conversation qu’il avait eue autrefois avec son père lui revint en mémoire. Trente ans auparavant, alors qu’il venait de passer son premier examen littéraire, il lui avait fait part de ses projets d’avenir avec un enthousiasme juvénile. « je suis sûr que tu iras loin, Jen-tsie » lui avait répondu son père, « mais attend-toi à beaucoup de souffrance en chemin, et quand tu atteindras le sommet…tu seras seul ». Et lui, plein d’assurance alors, avait répondu : »La souffrance et la solitude rendent les hommes plus forts. » A l’époque, il n’avait pas compris la signification du sourire triste de son père. A présent, il savait !